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Chapitre LII


Adolphe de Leuven. – Sa famille. – Détails inconnus sur la mort de Gustave III. – Le comte de Ribbing. – Les cordonniers au château de Villers-Hellon.

C'était à la fête d'un charmant village situé à une lieue de Villers-Cotterêts, et nommé Corcy, perdu au milieu des grands bois, comme un nid l'est dans les hautes branches. J'avais, pour un instant, laissé mes compagnons dans le rond de danse, et je m'étais éloigné pour faire une visite à un fermier, vieil ami de mon père, dont la ferme était distante du village d'un quart de lieue, à peu prés.
La route que je suivais pour me rendre chez lui était un joli sentier tracé au pied d'une colline, bordé, à droite et à gauche, d'une double haie d'épines blanches, et tout parsemé de ces petites pâquerettes à coeur d'or et à feuilles teintées de rose à leur extrémité.
Tout à coup, au coude du chemin, dans un rayon de soleil qui les baignait de lumière, je vis apparaître, venant à moi, trois personnes, dont deux m'étaient bien connues, mais dont la troisième m'était totalement étrangère.
Les deux personnes qui m'étaient connues étaient, l'une, Caroline Collard, devenue, comme je l'ai dit plus haut, baronne Cappelle.
L'autre était sa fille, Marie Cappelle, âgée de trois ans alors, et qui depuis, pour son malheur, fut madame Lafarge.
La troisième personne, celle qui m'était étrangère, et qui ressemblait, au premier aspect, à un étudiant allemand, était un jeune homme de seize à dix- sept ans, vêtu d'une veste grise, d'une casquette de toile cirée, d'un gilet chamois et d'un pantalon bleu clair, presque aussi collant que le mien, et qui n'offrait avec lui que cette différence, que, chez moi, c'étaient les bottes qui recouvraient le pantalon, tandis que chez lui, au contraire, c'était le pantalon qui recouvrait les bottes.
Ce jeune homme, grand, brun, sec, aux cheveux noirs, coupés en brosse, aux yeux admirables, au nez fortement accentué, aux dents blanches comme des perles, à la démarche nonchalante et aristocratique, était le vicomte Adolphe Ribbing de Leuven, futur auteur de Vert-Vert et du Postillon de Longjumeau, et fils du comte Adolphe-Louis Ribbing de Leuven, l'un des trois seigneurs suédois inculpés dans le meurtre de Gustave III, roi de Suède.
C'était une vieille et noble famille que celle de ces comtes Ribbing de Leuven, habitués à soutenir les luttes royales, et à traiter de majesté à majesté avec les puissants de la terre.
Ce fut un Ribbing qui se leva en 1520 contre le tyran Christiern, qui avait fait égorger ses deux enfants.
Il y avait une triste et mélancolique légende dans la famille : c'était celle de ces deux enfants, décapités, l'un à douze ans, l'autre à trois ans.
Le bourreau venait de trancher la tête à l'aîné et s'emparait du second pour l'exécuter à son tour, lorsque le pauvre petit lui dit de sa douce voix :
- Oh ! je t'en prie, ne salis pas ma collerette, comme tu viens de le faire à mon frère Axel, car maman me gronderait.
Le bourreau avait deux enfants, juste du même âge que ceux-là. Emu à ces paroles, il jeta son épée, et se sauva tout éperdu.
Christiern envoya à sa poursuite des soldats, qui le tuèrent.
Le père d'Adolphe, que j'ai beaucoup connu depuis, et qui m'aimait comme son second enfant, était alors un homme de cinquante ans, d'une distinction suprême, d'un esprit charmant, quoiqu'un peu railleur, d'un courage à toute épreuve.
Il avait été élevé à l'école militaire de Berlin, était venu très jeune en France, en qualité de capitaine, dans un de ces régiments étrangers que le roi Louis XVI avait à sa solde, et qui lui firent d'autant plus de tort qu'ils le défendirent plus loyalement. Il avait été présenté à Marie-Antoinette par le comte de Fersen, et, sous les auspices de l'illustre favori, il avait été admirablement reçu par la reine.
Il avait, au reste, gardé de la pauvre Marie-Antoinette un souvenir tout de respect et de vénération, et, trente ans après sa mort, je l'ai souvent entendu parler d'elle avec une voix pleine de larmes.
Il fut rappelé en Suède vers la moitié de l'année 1791. Fiancé à une de ses cousines qu'il adorait, il croyait revenir pour l'épouser, lorsque, à son arrivée à Stockholm, il apprit qu'un ordre du roi Gustave III avait disposé de sa main, et qu'elle était la femme du comte d'Essen.
Dans un premier mouvement de désespoir, le comte Ribbing provoqua le mari. Un duel s'ensuivit, et le comte d'Essen tomba, la poitrine traversée d'un coup d'épée qui le cloua pendant six mois sur son lit.
La Suède, à cette époque, était dans un grand trouble ; le roi venait de forcer la Diète d'accepter l'acte d'union et de sûreté. C'était à Geft que s'était accompli ce coup d'Etat, qui investissait le roi seul du droit de paix et de guerre.
Au reste, depuis longtemps, la lutte existait entre la royauté et l'aristocratie. Marié, en 1766, à Sophie-Madeleine de Danemark, le roi n'avait pas encore d'héritier de sa couronne en 1776. Or, la noblesse suédoise attribuait la stérilité de la reine aux mêmes causes que celle de Louise de Vaudemont, femme de Henri III. Comme le dernier des Valois, Gustave avait des favoris dont la familiarité faisait tenir sur le prince les propos les plus étranges. Les seigneurs décidèrent, en conséquence, un beau jour, qu'il serait fait au roi des remontrances sur la stérilité de la reine, et qu'il serait supplié de faire cesser cette stérilité par tous les moyens qu'il aurait en son pouvoir.
Gustave promit d'aviser.
Alors on dit qu'il se passa une chose étrange.
Le soir même du jour où il avait engagé sa parole aux seigneurs suédois, il prit son écuyer Monk, le conduisit au lit de la reine, et, là, devant la pauvre femme, toute rougissante, il lui exposa le service qu'il demandait de lui, et sortit en l'enfermant dans la chambre royale.
Quelque temps après, la grossesse fut proclamée, et la reine accoucha d'un prince, qui, après la mort de son père, régna sous le nom de Gustave IV. On sait qu'en 1809, les Etats de Suède proclamèrent sa déchéance.
J'ai beaucoup connu son fils en Italie, où il voyageait sous le nom de comte de Wasa.
En 1770, Gustave III, alors âgé de vingt-quatre ans, était venu en France sous le nom de comte de Haga. Il avait visité une espèce de devineresse qui, dans des extases magnétiques, prédisait l'avenir ; à peine lui eut-elle touché la main, qu'elle l'invita à prendre garde à l'année 1792, lui annonçant que, dans le cours de cette année, il devait, par un coup d'arme à feu, courir danger de mort.
Gustave était brave ; il avait souvent payé de sa personne. Il raconta plus d'une fois la prédiction en riant, mais ne s'en inquiéta jamais.
A la suite de cette diète de 1792, pendant laquelle la noblesse avait perdu le reste de ses privilèges, une conjuration déjà entamée se renoua.
Les principaux conjurés furent Ankarstrm, le comte Ribbing, le comte de Horn, le baron d'Erenswaerd et le colonel Lilienhorn.
Ankarstrm et Ribbing, outre les griefs généraux qui aigrissaient la noblesse contre le roi, avaient des motifs particuliers de haine.
Ankarstrm avait perdu, par l'intervention du roi, un procès qui avait entraîné avec lui la moitié de sa fortune.
Le comte de Ribbing, comme nous l'avons dit, avait à venger sur le roi une perte bien autrement douloureuse que celle d'un procès, la perte de sa fiancée.
Les autres faisaient, du meurtre projeté de Gustave, une affaire de caste, voilà tout. On résolut d'exécuter ce meurtre au milieu d'un bal masqué, qui devait avoir lieu dans la salle de l'opéra, pendant la nuit du 15 au 16 mars 1792.
La veille, le roi reçut une lettre anonyme qui lui donnait avis du complot, et qui lui annonçait qu'il serait assassiné la nuit suivante.
- Ah oui, dit Gustave, en effet, même chose a été prédite, il y a vingt-deux ans, au comte de Haga ; mais il n'ajouta pas plus de foi alors à la prédiction que n'y en ajoute aujourd'hui le roi de Suède.
Et, haussant les épaules, il froissa le billet entre ses mains, et le jeta dans la cheminée.
Cependant on assure que, dans la nuit du 14 au 15, Gustave, déguisé, alla consulter la fameuse sibylle Arfredson, laquelle confirmant la prédiction de la somnambule française et l'avis de la lettre anonyme, lui déclara qu'il devait être assassiné avant que trois jours fussent écoulés.
Soit courage réel, soit incrédulité, Gustave ne voulut rien changer aux projets arrêtés, ni prendre aucune précaution, et, le soir, à onze heures, il se rendit au bal masqué.
La veille, on avait tiré au sort pour arrêter lequel des conjurés devait tuer le roi, Gustave étant si fort détesté de la noblesse, que chacun réclamait le dangereux honneur de porter le coup mortel.
Le sort avait désigné Ankarstrm. On assure qu'un des conjurés lui offrit alors une donation, non seulement des biens qu'il possédait à cette époque, mais encore de ceux qui lui devaient revenir un jour, s'il voulait lui céder sa place. Ankarstrm refusa.
Le moment venu, comme plusieurs seigneurs étaient vêtus de costumes pareils à celui du roi, Ankarstrm pensa tout à coup qu'il pouvait se tromper, et tirer sur un autre que Gustave.
Mais le comte de Horn le rassura en lui disant :
-Tirez hardiment sur celui à qui je dirai : « Bonjour, beau masque. » Ce sera le roi.
Il était deux heures du matin ; Gustave se promenait, appuyé au bras de ce même comte d'Essen qu'il avait marié à la fiancée de Ribbing, lorsque le comte de Horn, s'approchant, lui dit :
- Bonjour, beau masque.
Au même instant, une détonation sourde se fit entendre, Gustave chancela en disant :
- Je suis mort !
A part ceux qui entouraient le roi, personne ne s'était aperçu de l'événement ; le pistolet était caché dans un manchon ; au milieu du bruit des conversations et des accords de l'orchestre, la détonation s'était perdue.
Quant à la fumée, elle était restée ensevelie dans le manchon.
Cependant, au cri du roi, et en le voyant tomber faiblissant aux bras de d'Essen, chacun accourut. Dans le mouvement qui se fit, il fut alors facile à Ankarstrm de s'éloigner du roi, et même de sortir de la salle ; mais, dans le trajet, il avait laissé tomber un de ses pistolets.
Le pistolet fut ramassé, chaud et fumant encore.
Le lendemain, tous les armuriers de Stockholm furent interrogés, et l'un d'eux reconnut le pistolet pour l'avoir vendu à Ankarstrm.
Une heure après, Ankarstrm était arrêté chez lui, et une commission spéciale était nommée pour le juger.
Il avoua le crime, mais en le glorifiant. Quant à ses complices, quelque promesse qui lui fût faite, il refusa de les dénoncer.
Le procès fut mené lentement ; on espérait toujours qu'Ankarstrm parlerait ; enfin, le 29 avril 1792, c'est-à-dire quarante-quatre jours seulement après le meurtre, il fut condamné.
L'arrêt portait qu'il serait battu de verges pendant trois jours ; puis, décapité.
Malgré la longueur et l'ignominie du supplice, Ankarstrm conserva sa fermeté jusqu'au dernier moment. Traîné au supplice dans une charrette, il étendit des regards parfaitement tranquilles sur ces milliers de spectateurs pressés autour de l'échafaud. Arrivé sur la plate-forme, il demanda quelques secondes pour se réconcilier avec Dieu. Le délai lui fut accordé. Il se mit à genoux, fit sa prière, et se livra aux exécuteurs.
Il n'avait pas encore trente-trois ans accomplis.
Ribbing, qui avait été arrêté en même temps qu'Ankarstrm, n'en avait, lui, que vingt et un ; il allait être condamné à mort comme Ankarstrm ; le duc de Sudermanie, régent du royaume pendant la minorité de Gustave IV, pressait l'instruction, lorsqu'un illuminé, disciple de Swedenborg, vint le trouver, et lui annonça que le maître lui était apparu, lui avait déclaré que non seulement Ribbing était innocent, mais encore que chaque cheveu qui tomberait de sa tête coûterait un jour de vie au duc de Sudermanie. Le duc, swedenborgiste lui-même, s'effraya à cette idée, et Ribbing, au lieu de partager le sort d'Ankarstrm, fut condamné à un exil éternel.
Comme on ne pouvait faire, pour le comte de Horn et pour Lilienhorn, moins que l'on ne faisait pour Ribbing, tous deux obtinrent la même faveur.
La confiscation des biens suivait l'exil.
Heureusement, la confiscation de ces biens ne devait avoir lieu, pour le comte de Ribbing, qu'après la mort de sa mère, qui, lui vivant, héritait de lui, et sa mère était encore jeune.
Le comte partit pour la France, qui était en pleine révolution, et y arriva pour voir les 2 et 3 septembre et le 21 janvier. Son adoration pour la reine le fit éclater en reproches contre ces jours terribles. Il fut arrêté, et lui, régicide, allait être livré au tribunal révolutionnaire, comme trop sympathique aux malheurs d'un roi, lorsque Chaumette le fit mettre en liberté, lui donna un passeport, et l'aida à sortir de Paris.
Le comte se rendit alors en Suisse : il était jeune, et si beau, qu'on ne l'appelait que le beau régicide. Il fut présenté à madame de Stal, qui lui accorda une grande part dans son amitié. Deux ou trois cents lettres de madame de Stal, que le comte de Ribbing reçut d'elle pendant tout le cours de la vie de l'illustre auteur de Corinne, prouvent que cette amitié ne fut point passagère.
Madame de Stal était entourée d'un cercle d'amis, dont quelques-uns avaient été ceux du comte de Ribbing. Cette petite cour, moitié politique, moitié littéraire, ne s'occupa alors que d'une chose, ce fut de secourir, de cacher, de protéger les émigrés contre les persécutions des magistrats des cantons helvétiques, qui avaient la main forcée par les exigences continuelles du gouvernement révolutionnaire de Paris.
Après le 9 thermidor, le comte de Ribbing put rentrer en France, où il acheta, à très bas prix, trois ou quatre châteaux et deux ou trois abbayes. Au nombre des châteaux étaient Villers-Hellon, Brunoy et Quincy.
Le comte avait fait toutes ces acquisitions sur simples recommandations, soit de ses amis, soit de son notaire. Villers-Hellon, entre autres, lui était parfaitement inconnu. Un beau matin, il résolut d'aller visiter cette charmante propriété, qu'on lui avait beaucoup vantée. Malheureusement, le moment était mal choisi pour en apprécier tous les charmes : un arrêté de la commune de Villers-Hellon avait livré le château à une association de cordonniers, qui exécutaient des souliers pour l'armée ; les honorables disciples de saint Crépin s'étaient, en conséquence, emparés du domaine, avaient établi leurs ateliers dans les salons et dans les chambres, et, pour plus grande facilité de communication, ils avaient pratiqué des ouvertures dans les plafonds. Quand c'était une communication orale qu'ils avaient à faire, elle s'opérait de cette façon, par les judas, sans que celui qui avait à faire cette communication eût besoin de quitter sa place ; quand c'était une visite à accomplir, de bas en haut ou de haut en bas, des échelles appliquées aux ouvertures économisaient les tours et détours que nécessite toujours un escalier. On comprend que de pareils locataires nuisaient fort à l'aspect du château que venait d'acheter le comte. Aussi fut-il effrayé de la vue et surtout de l'odeur, et s'enfuit-il précipitamment à Paris.
Quelques jours après, il racontait, avec l'esprit qui lui était particulier, sa mésaventure devant M. Collard, alors attaché à la fourniture des armées. M. Collard, plus habitué que le noble proscrit à l'appréciation des choses matérielles, lui offrit alors de reprendre son marché. M. de Ribbing y consentit, et Villers-Hellon devint, à partir de ce moment, la propriété de M. Collard.
Heureusement, le comte de Ribbing avait encore deux ou trois autres châteaux, où, à défaut de celui qu'il venait de vendre, il pouvait établir sa résidence.
Il choisit Brunoy, qu'il céda plus tard à son ami Talma, comme il avait cédé Villers-Hellon à son ami Collard, puis s'établit au château de Quincy.
Pendant tout le règne de Napoléon, le comte de Ribbing demeura fort tranquille, l'hiver à Paris, l'été à la campagne, se livrant à l'agriculture, pêchant dans ses étangs, dans lesquels on prit, un jour, un si énorme brochet, que, mis dans le plateau d'une balance, et Adolphe dans l'autre, le brochet eut l'honneur de l'emporter.
Plusieurs fois Napoléon offrit du service à M. de Ribbing ; mais, dans cette prévision qu'avec les idées envahissantes du conquérant il serait forcé un jour de porter les armes contre la Suède, il refusa.
Au second retour des Bourbons, les vengeances rétrospectives qui s'exercèrent allèrent chercher M. de Ribbing dans sa retraite. Forcé de s'exiler, il passa la frontière et, sous un nom supposé, se rendit à Bruxelles avec sa femme et son fils.
Mais l'incognito du comte de Ribbing devait bientôt être trahi, dans des circonstances qui donneront une idée de son caractère.
A Bruxelles, le comte se trouva à table d'hôte avec des officiers étrangers qui, tout enorgueillis de la victoire de Waterloo, maltraitaient fort la France et surtout les Français. Un colonel couvert de décorations se faisait surtout remarquer par l'exagération de ses attaques. La conversation avait lieu en allemand ; mais, pour le comte de Ribbing, élevé à Berlin, l'allemand était presque une langue maternelle : il ne perdait donc pas un mot de la conversation, à laquelle il paraissait complètement étranger. Tout à coup il se leva, s'avança avec son calme habituel vers le colonel, lui donna une paire de soufflets, accompagna cette paire de soufflets de l'énumération de ses prénoms et qualité, et revint tranquillement s'asseoir à sa place.
Cauchois-Lemaire était à cette table, tout jeune homme encore, ainsi que le poète Arnault, déjà vieux ; tous deux, au risque de ce qui pouvait leur en arriver de mal, offrirent, comme témoins, leurs services au comte de Ribbing.
Par bonheur, ces services furent inutiles : le colonel ne se battit point.
La liste des trente-huit avait, aux dépens de la France, enrichi Bruxelles. – Arnault, Exelmans, Regnault de Saint-Jean d'Angély, Cambacérès, Harel, Cauchois-Lemaire étaient proscrits.
M. de Ribbing se lia avec eux, et avec eux fonda Le Nain jaune, journal dont la réputation fut bientôt européenne.
A la suite d'un article publié par le comte dans ce journal, le gouvernement prussien demanda que l'auteur de cet article lui fût livré.
Il ne s'agissait pas moins que d'un emprisonnement à perpétuité dans une citadelle. La Prusse, on le sait, est encore le pays des citadelles, et a été longtemps celui des emprisonnements.
Cependant le roi Guillaume laissa au comte de Ribbing le choix d'être livré à la Prusse ou à la France – à peu près comme le cuisinier laisse au poulet le choix d'être mis à la broche ou en fricassée. M. de Ribbing opta pour la France.
Il fut pris, jeté dans une chaise de poste avec son fils, et conduit aux portes de Condé.
Là, il s'orienta, cherchant auquel de ses anciens amis il pouvait aller demander l'hospitalité.
Le plus proche de lui, c'était M. Collard.
Il s'achemina vers Villers-Hellon.
Il va sans dire qu'il fut reçu coeur et bras ouverts. Il habitait depuis trois jours ce charmant domaine – si fort changé depuis le temps des cordonniers, qu'il ne voulait pas absolument le reconnaître – quand je rencontrai son fils, Adolphe de Leuven, donnant le bras à madame Cappelle, et la main à la petite Marie.

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