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Chapitre XXIII


Mademoiselle Pivert – Je lui fais lire Les Mille et Une Nuits en un seul volume. – Le père Hiraux, mon maître de musique. – Les petites misères de sa vie. – Il se venge de ses persécuteurs à la façon du maréchal de Montluc. – Il est condamné au fouet, et manque en perdre les yeux. – Ce qu'il fait, le jour de Pâques, dans les orgues du couvent. – Il devient garçon épicier. – Sa vocation le ramène à la musique. – Mon peu d'aptitude pour le violon.

Très jeune, je l'ai dit, grâce au Buffon de madame Darcourt, à la Bible de M. Collard et surtout aux bons soins de ma mère, j'avais appris à lire. De son côté, ma soeur, en pension à Paris, mais revenant aux vacances passer six semaines avec nous avait complété mon éducation première en m'apprenant à écrire.
A cinq ou six ans, je possédais donc ces deux talents à un degré supérieur, ce qui me rendait d'une fatuité étrange. Je me vois encore en jaquette d'indienne, haut comme une botte à l'écuyère – ainsi que les Romains, je n'ai quitté la robe prétexte qu'à quinze ans – je me vois encore me mêlant, plein de pédantisme, aux conversations des grandes personnes, où j'apportais le trésor d'éducation profane et sacrée que j'avais puisé dans la mythologie et dans la Bible, les notions d'histoire naturelle je devais à M. de Buffon et à M. Daudin, les connaissances géographiques que j'empruntais à Robinson Crusoé, et les idées sociales et politiques que j'avais prises au sage Idoménée, fondateur de Salente.
C'était surtout en mythologie que j'étais fort. Outre les Lettres à Emilie sur la mythologie, de mon compatriote Demoustier, que je savais par coeur, je possédais une Mythologie de la jeunesse, ornée de gravures et entrelardée de vers de Racine et de Saint-Ange, que je dévorais éternellement. Pas un dieu, pas une déesse, pas un demi-dieu, pas un faune, pas une dryade, pas un héros dont je ne connusse la filiation. Hercule et ses douze travaux, Jupiter et ses vingt transformations, Vulcain et ses trente-six infortunes ; je savais tout cela sur le bout du doigt, et, chose bien plus extraordinaire, je le sais encore.
Aussi je me rappelle qu'un jour c'était chez M. Deviolaine en 1809 c'est-à- dire à l'époque où chaque journal apportait chaque matin un de ces bulletins qui, pendant dix ans, ont fait de notre histoire une fable héroïque, je me rappelle, dis-je, que les convives, après le déjeuner, se demandaient les nouvelles du jour ; mais, comme il était de bon matin encore, personne n'avait lu les journaux, et, par conséquent, nul ne pouvait satisfaire la curiosité généralement exprimée.
M. Deviolaine sonna, le domestique parut.
- Mas, dit-il ce domestique s'appelait Mas, procurez-vous une gazette, et apportez-nous-la.
- Oh ! c'est inutile, mon cousin, fis-je en croisant mes mains derrière mon dos ; j'ai lu le journal, moi, et il n'y a rien d'important, qu'une séance au Corps législatif.
J'ai dit que M. Deviolaine allongeait souvent le pied, mais ne touchait jamais rien ; je me trompais : cette fois, il toucha quelque chose.
Je sortis furieux, et de trois mois je ne voulus retourner dans une maison où j'avais subi une pareille humiliation.
Comment cette idée du Corps législatif m'était-elle venue ?
Je vais vous le dire.
Un jour, j'avais vu M. Collard en habit bleu brodé en or.
- Vous êtes donc général comme papa, vous ? lui avais-je dit d'un air rogue.
- Non, mon petit ami, avait-il répondu, je suis membre du Corps législatif.
Depuis ce temps, je lisais les séances du Corps législatif, pour savoir ce qu'y disait M. Collard.
Je ne l'ai jamais su.
Au reste, il faut le dire, tout le monde n'était pas aussi méprisant à l'endroit de mon érudition que s'était montré M. Deviolaine. Il y avait, entre autres, trois ou quatre vieilles dévotes, au nombre desquelles se trouvait une certaine demoiselle Pivert, âgée de soixante-cinq à soixante-six ans, qui appréciaient ma science et y applaudissaient. Il n'était sorte d'histoires sacrées et profanes qu'elles ne me fissent raconter, et mademoiselle Pivert surtout, qui ne se contentait pas de mes récits, avait recours à ma bibliothèque, afin de remonter aux sources.
Alors je lui donnais un volume dépareillé des Mille et Une Nuits, que je possédais, et qui contenait La Lampe merveilleuse, et rien autre chose. Elle s'absorbait huit jours dans cette lecture, me rendait le volume et me demandait le suivant, que je lui promettais pour le lendemain ; je lui prêtais le même, qu'elle lisait toujours avec une nouvelle conscience, et, je dois le dire, avec un nouveau plaisir.
Cela dura un an à peu près, pendant lequel elle relut le même volume cinquante-deux fois.
- Eh bien, mademoiselle Pivert, lui demandai-je au bout de l'année, cela vous amuse-t-il toujours, Les Mille et Une Nuits ?
- Prodigieusement, mon petit ami, me répondit-elle ; mais, toi qui es si savant, tu pourras peut-être me dire une chose ?
- Laquelle, mademoiselle Pivert ?
- Pourquoi s'appellent-ils tous Aladin ?
Comme, tout savant que j'étais, je n'eusse pu répondre à mademoiselle Pivert qu'en lui avouant la vérité, je confessai mon ignorance, et, pour elle, le poétique auteur inconnu des Mille et Une Nuits eut cet impardonnable défaut d'avoir appelé tous ses personnages Aladin.
Cependant, cette somme énorme d'instruction, qui faisait à la fois mon orgueil et l'admiration de mademoiselle Pivert, paraissait encore insuffisante à ma pauvre mère.
Ma soeur était assez bonne musicienne et chantait agréablement. Ma mère, malgré notre état de gêne, se fût reproché de faire pour un de ses enfants ce qu'elle ne faisait pas pour l'autre ; elle décida donc que, moi aussi, je deviendrais musicien ; mais, comme il avait été déjà reconnu que, dans sa prodigalité envers moi, cette bonne mère qu'on appelle la nature m'avait doué de la voix la plus fausse qu'il y eût au monde, comme, au contraire, on avait remarqué que j'avais les doigts très agiles et la main très adroite, on se décida à faire de moi un simple instrumentiste, et l'on me choisit le violon, instrument avec lequel le musicien, à moins d'être atteint de cécité n'a pas l'habitude de s'accompagner lui-même.
Il n'y avait pas de choix à faire parmi les professeurs de Villers-Cotterêts : la ville n'en possédait qu'un seul.
Il se nommait Hiraux.
Hiraux mériterait un chapitre à part, et même plutôt deux chapitres qu'un seul.
Hiraux, ou plutôt le père Hiraux, comme on l'appelait amicalement de par la ville, était un véritable musicien d'Hoffmann, avec sa longue taille mince, sa redingote marron et sa perruque, qui, à chaque salutation qu'il faisait, avait pris l'habitude de suivre son chapeau. Aussi, Hiraux, pour obvier à cet inconvénient, avait-il résolu de n'adopter la perruque que les dimanches et les jours de grande fête. Dans les jours ordinaires, la perruque était remplacée par un bonnet de soie noire, qu'Hiraux rabattait violemment sur ses oreilles lorsque ses élèves jouaient par trop faux.
Maintenant que j'ai beaucoup vu et surtout beaucoup entendu, j'ai réfléchi, et je suis convaincu que c'est la difficulté d'appliquer sa perruque au même emploi qui avait été cause qu'Hiraux en avait abandonné l'usage journalier.
Il en résultait qu'excepté les fêtes et les dimanches, Hiraux ne saluait jamais qu'à moitié, en supposant que saluer signifie se découvrir la tête, puisque, lorsqu'il ôtait son chapeau, Hiraux gardait son bonnet de soie noire.
Aussi son bonnet de soie noire était-il devenu une portion intégrante de sa personne. Vingt fois il m'est arrivé de le toucher comme faisaient les habitants de Lilliput des habits de Gulliver – investigation, au reste, à laquelle Hiraux se prêtait avec sa complaisance habituelle –, pour m'assurer que cet ornement ne faisait point partie de sa peau.
Hiraux avait, sous ce bonnet, une des figures maigres et parcheminées les plus spirituelles et les plus grimaçantes que j'aie jamais vues, grâce au jeu de chacun de ses muscles, qui semblaient vibrer pour exprimer sa pensée, ainsi que vibraient les cordes de son violon ou de son piano sous ses doigts longs, agiles et maigres comme ceux de Paganini.
Hiraux avait eu une jeunesse fantastique : il avait été enfant de choeur, souffleur d'orgues dans un couvent de moines prémontrés, puis garçon épicier, puis ménétrier, puis maître de musique, puis enfin organiste.
Vous dire aujourd'hui comment ses premiers pas trébuchèrent sur les dalles de l'église de Bourg-Fontaine – c'est ainsi que s'appelait le couvent où Hiraux fut élevé –, cela me serait assez difficile ; seulement, parfois il racontait, en se reportant à ses souvenirs d'enfance, comme aujourd'hui je me reporte aux miens, quelques-unes de ces grasses histoires de moines telles qu'on en trouve dans Rabelais et dans La Fontaine.
Hiraux était un répertoire vivant de ces vieilles traditions claustrales qui sont déjà si loin de nous autres hommes de quarante ans, qu'elles se perdent, comme de fantasmagoriques images d'un autre monde, derrière les premiers souvenirs de notre jeunesse, si bien que, pour les générations qui nous suivent, elles seront effacées tout à fait.
J'ai déclaré que je ne pouvais dire comment Hiraux était entré au couvent de Bourg-Fontaine ; mais je puis très bien dire comment il en était sorti.
Hiraux était poltron ; seulement, il n'y avait pas moyen de lui faire un crime de sa poltronnerie. C'était son originalité. D'ailleurs, il avait le bon esprit de s'en vanter, comme un autre se fût vanté de sa bravoure. Or, il appartenait encore à cette bienheureuse époque ou l'on faisait des farces, et il fut toute sa vie l'objet de facéties plus ou moins drolatiques, dont quelques-unes faillirent tout simplement le mettre au tombeau.
Ainsi que nous l'avons dit, ou, si nous avons oublié de le dire, ainsi que nous le disons, Hiraux cumulait au couvent de Bourg-Fontaine les fonctions d'enfant de choeur et celles de souffleur d'orgues. En vertu de cette double qualité, il couchait dans la sacristie du couvent, et, tous les soirs, pour se rendre à sa chambre, il était obligé de traverser l'église.
C'était, pour lui, un moment de terreur quotidienne que de passer par cette grande nef avec ses arceaux, dont je n'ai vu moi, que les ruines, ruines dans lesquelles je dénichais des corneilles avec le fils d'Hiraux : ces fenêtres gigantesques se découpant sur les dalles mortuaires, qu'elles éclairaient du rayon tremblant et blafard de la lune ; ces mystérieuses profondeurs où, même pendant le jour, habitait l'obscurité, tout cela prenait, par les nuits d'hiver surtout, que la bise soufflait dans les grands arbres dépouillés, dont les branches sèches s'entrechoquaient comme les ossements d'un squelette, tandis que le vent traînait de longues plaintes dans les corridors de l'abbaye ; tout cela prenait un caractère de funèbre menace qui faisait courir des frissons glacés dans les veines du pauvre Hiraux, habitué à voir la malice des hommes se mêler incessamment à la terrible majesté du lieu.
Ce n'étaient point les moines qui tourmentaient Hiraux ; ce n'était point le prieur qui le tourmentait non plus : le prieur aimait Hiraux comme un enfant ; c'était cette race moitié laïque, moitié religieuse, rattachant par un lien intermédiaire l'homme du ciel à l'homme de la terre, et qui fourmillaient toujours dans les couvents.
Au nombre des persécuteurs les plus acharnés d'Hiraux étaient les frères marmitons.
Un jour du mois de novembre, le jour des Morts, où une bière vide avait, comme d'habitude, été exposée toute la journée, recouverte du drap noir et argent, au milieu d'une forêt de cierges qui devaient rester allumés toute la nuit, Hiraux rentrait, plus effrayé encore, ce soir-là, de la lumière qu'il ne l'était ordinairement de l'obscurité. Il gagnait, après avoir fermé le plus doucement possible la porte de l'église, il gagnait, disons-nous, la sacristie sur la pointe du pied, rasant la muraille au plus près, c'est-à-dire s'écartant autant que possible du centre de l'église, mortuairement éclairée, ainsi que nous l'avons dit.
Tout à coup Hiraux s'arrête, se colle à la muraille, les membres roidis, la bouche ouverte, les cheveux hérissés, la sueur au front, immobile comme les statues de pierre des prieurs de l'abbaye.
Le catafalque avait fait un mouvement.
D'abord Hiraux crut qu'il s'était trompé et essaya de se rassurer avec le raisonnement ; mais que pouvait faire le raisonnement contre la réalité ? Non seulement le catafalque avait remué, mais encore le catafalque venait droit à lui ! Hiraux voulut crier : sa voix, comme celle du héros de Virgile, s'arrêta dans son gosier ; et, voyant que le catafalque continuait venir droit à lui, les jambes lui manquèrent, il glissa le long du mur, appui inutile, et tomba évanoui.
A trois heures du matin, l'église s'ouvrit pour les matines ; Hiraux était encore à la même place, aussi immobile que s'il était mort. Il était bien revenu à lui ; mais, quoiqu'il eût retrouvé le catafalque à sa place, il n'osait bouger, de peur que le catafalque ne bougeât aussi.
Le frère sacristain, s'entendant appeler d'une voix étouffée, se dirigea vers le point de l'église d'où partait la voix ; il trouva Hiraux la face contre terre, glacé et baigné de sueur tout à la fois.
Mais, en allant à Hiraux, il trouva encore autre chose gisant à terre comme lui.
Il trouva un bonnet de coton. Or, Hiraux, tout en racontant au sacristain l'horrible apparition nocturne, Hiraux fixait les yeux sur le bonnet de coton, que l'homme d'Eglise tenait à la main, et, grâce à ce bonnet dénonciateur, une lueur pénétrait de plus en plus dans son esprit, éclairant ce chaos de terreur qui l'avait bouleversé.
Aussi, au fur et à mesure qu'Hiraux faisait son récit, l'effet surnaturel prenait à ses yeux une cause naturelle, et, en revoyant – en compagnie de son ami le sacristain, et guidé par le bonnet de coton comme par un fil conducteur –, ses épouvantes de la nuit, il demeura convaincu que, si le catafalque avait bougé, avait marché, était venu à lui, c'est que le frère cuisinier, et peut-être bien deux de ses marmitons s'étaient glissés dessous et lui avaient prêté leurs jambes. On n'a pas été élevé dans un couvent sans être doué d'une certaine dose de rancune. Hiraux ne dit rien, ne fit part de ses soupçons à personne, laissa rire de sa terreur, laissa l'histoire faire le tour du couvent, se répandre même au-dehors, et promit tout bas de se venger. On se rappelle l'histoire du maréchal de Montluc, et cette fameuse pendaison de huguenots qu'il fit en passant, je ne me souviens plus dans quelle ville..
D'ailleurs, si on ne se la rappelle pas, je vais la raconter.
Le maréchal de Montluc passait donc par cette ville dont j'ai oublié le nom, lorsqu'il crut avoir à se plaindre de certains juges qui, en vertu de cet axiome : Cedant arma toge, avaient négligé de lui rendre les honneurs qu'il prétendait lui être dus.
Il s'agissait de faire repentir les juges de cette impertinence.
Le maréchal s'informa de ce que les juges avaient à faire, et il apprit que, le lendemain, ils se promettaient grand plaisir à juger une douzaine de huguenots qui avaient été pris les armes à la main, et qui attendaient leur jugement dans les prisons de la ville.
Aussitôt, le maréchal de Montluc, avec bonne escorte, se rend aux prisons, se les fait ouvrir, enfonce douze clous dans les solives, y attache douze cordes, et, à ces douze cordes, pend les douze huguenots.
« Et qui fut bien attrapé le lendemain, dit le maréchal dans ses Mémoires, ce furent mes juges, qui ne trouvèrent plus rien à juger. »
Hiraux punit les cuisiniers à peu près de la même manière que le maréchal de Montluc avait puni les juges. Il se glissa dans la pharmacie du couvent, s'empara d'une copieuse dose de jalap, et la mêla aux sauces du cuisinier.
Si Hiraux eût laissé des mémoires, il eût mis sans doute, comme le maréchal de Montluc :
« Le lendemain, qui fut bien attrapé, ce furent mes marmitons, qui virent leurs moines purgés de fond en comble ; ni plus ni moins que s'ils eussent avalé triple dose de la médecine Leroy. »
Cela arriva justement le jour de l'Epiphanie.
Il y eut, comme on le pense bien, grande rumeur dans l'abbaye. Tout un couvent ne se purge pas en effet le jour des Rois, depuis le prieur jusqu'au sacristain, sans que les devoirs religieux en souffrent considérablement.
Hiraux, seul, demeurait à son poste d'enfant de choeur sans bouger.
Ce fut justement cette sérénité de l'homme juste au milieu de l'ébranlement général du monde qui perdit Hiraux. Proserpine trouva Ascalaphe pour déclarer qu'il lui avait vu manger sept grains de grenade. Hiraux eut son Ascalaphe qui déclara l'avoir vu sortir le soir, à la nuit tombante, sur la pointe du pied, de la pharmacie.
Le dénonciateur était l'organiste du couvent.
La dénonciation fut recueillie, et, en rapprochant les faits, on ne douta point qu'Hiraux ne fût le véritable coupable. On n'est pas élevé au couvent non plus sans apprendre à mentir un peu. Hiraux nia, jura, protesta ; mais cela ne fit que gâter son affaire, qu'eût peut-être améliorée une sincère confession.
En conséquence, Hiraux fut livré par le prieur au cuisinier, c'est-à-dire par la justice religieuse à la justice séculière.
Le cuisinier condamna Hiraux à une réclusion de vingt-quatre heures, accompagnée d'un jeûne au pain et à l'eau, et, pour être sûr que la punition ne serait point adoucie par quelque ami du condamné, il l'enferma dans la cave du couvent.
Seulement, le cuisinier avait oublié une chose : c'est que la cave était parfaitement garnie en vins, cidres, huile, vinaigre, eau-de-vie, rhum, etc., etc.
Tous ces liquides étaient dans des barils symétriquement rangés, comme doivent l'être d'honnêtes barils dans une cave aussi bien tenue que l'est d'ordinaire une cave de prémontrés.
Hiraux alla à tous les barils, et lâcha, le uns après les autres, tous les robinets, en disant à chaque tour de clef :
- Voilà le vin qui coule, voilà le cidre qui coule, voilà l'huile qui coule, voilà le rhum qui coule, etc., etc.
La revue était longue à passer, et, comme Hiraux faisait son énumération à haute voix, on entendait des cuisines comme une psalmodie que la distance ne permettait pas de saisir. Enfin, le murmure continuant, le cuisinier s'en inquiéta et vint écouter à la porte. Il entendait les litanies d'Hiraux ; il comprit avec terreur ce qui se passait. En un instant, une lampe fut allumée, la porte de la cave ouverte, et le spectacle attendu dévoilé dans toute son horreur.
Chaque futaille pissait à plein robinet la liqueur qu'elle avait dans le ventre, et le mélange de toutes ces liqueurs avait déjà produit une inondation de six pouces de hauteur et qui allait toujours croissant.
Hiraux, à cheval sur un foudre, calme comme le Bacchus indien attendait philosophiquement que la marée l'atteignît.
Cette fois, le crime était tellement patent, le coupable, au lieu de le nier, s'en vantait avec une telle impudence, que le cuisinier ne crut pas avoir besoin d'en référer au prieur, et décida qu'il se ferait justice tout seul. On commença par fermer les robinets ; c'était le plus pressé. Puis on s'empara d'Hiraux, qui ne fit aucune tentative pour fuir. Puis on assembla le tribunal ; qui se composa du frère cuisinier et des marmitons.
Il fut décidé à l'unanimité qu'Hiraux passerait par les verges.
C'était un jugement sans appel et exécutoire à l'instant même.
Aussi l'exécution eut-elle lieu incontinent, et, malgré les cris du patient, dura-t-elle dix minutes. Après quoi, le frère cuisinier, pour calmer la douleur et pour effacer les traces saignantes que l'exécution avait laissées, prit une poignée de poivre et saupoudra la partie endommagée.
Hiraux faillit en perdre les yeux.
Cela semblera étrange au premier abord, et peut-être pourra-t-on croire que je déplace la question.
Il n'en est point ainsi. Hiraux pleurait, Hiraux saignait ; les yeux et le derrière lui causaient une douleur presque égale. Hiraux se frottait alternativement les yeux et le derrière, transportant, par ce double exercice, le poivre de son derrière à ses yeux. Il en résulta que l'inflammation gagnait rapidement, que plus Hiraux frottait, plus elle devenait aigu, et qu'il avait déjà les yeux gros comme des oeufs, lorsqu'une âme charitable lui donna le conseil d'aller s'éteindre dans le lavoir du couvent. Hiraux comprit la valeur du conseil ; il y courut tout droit, et, grâce à ce bain prolongé, adoucit un peu la cuisson qui le dévorait.
Mais ce qu'il ne put éteindre, ce fut une fièvre brûlante qui le cloua pour huit jours dans son lit.
Le prieur sut la maladie, se renseigna sur les causes de cette maladie et punit le cuisinier et ses marmitons.
Hiraux fut satisfait quant à eux. Mais le véritable coupable aux yeux du patient, échappait à la justice du prieur ; ce véritable coupable, c'était l'organiste qui l'avait dénoncé, trahissant ainsi la sainte fraternité de la musique ; car Hiraux, en sa qualité de souffleur d'orgues, se regardait déjà comme musicien.
Il résolut de se venger de l'organiste.
Hiraux était profond et mystérieux comme les corridors de son cloître ; il renferma sa vengeance en lui-même, décidant qu'elle n'éclaterait que le jour de Pâques.
Le jour de Pâques est une grande fête par toute la chrétienté. Ce jour-là, tous les paysans des environs venaient entendre la messe au couvent de Bourg- Fontaine. Il y avait donc triomphe pour tout le monde : triomphe pour le prieur qui la disait, pour les moines qui la chantaient, pour les enfants de choeur qui la servaient, pour l'organiste qui l'accompagnait, et même pour Hiraux qui la soufflait.
La veille de Pâques, Hiraux, avec un soin digne des plus grands éloges, monta, son plumeau à la main, à la tribune, et passa la journée à nettoyer l'orgue.
Mais, contre toute attente, le lendemain, malgré les efforts du souffleur, malgré la dextérité du musicien, l'orgue ne rendit que des sons étouffés et plaintifs, qui non seulement n'accompagnaient pas, mais encore troublaient la messe. L'organiste avait beau pousser ou tirer, le hautbois était muet, la trompette était enrouée, et la voix humaine avait une extinction.
Hiraux, pendant que le malheureux musicien, ne sachant à qui s'en prendre, criait, jurait, frappait des doigts, des poings, du coude, Hiraux soufflait avec la gravité d'oculi.
Oculi, on le sait, était fils de saint Eloi, et tirait la chaîne du soufflet tandis que saint Eloi forgeait. Il y a même un cantique là-dessus.
La messe n'était pas achevée, qu'Hiraux, malgré la peine qu'il avait prise, et malgré la gravité qu'il avait conservée, était soupçonné d'être la cause de ce nouvel événement.
Aussi, tandis qu'Hiraux appuyait avec plus de vigueur que jamais sur le manche du soufflet, devenu inutile, l'organiste se leva-t-il, et, allant à la porte de la tribune, la ferma-t-il à double tour, et en mit-il la clef dans sa poche.
Hiraux vit à l'instant même ce qui se préparait.
- Ce n'est pas moi, monsieur l'organiste ! s'écria-t-il en lâchant pour la première fois son soufflet ; ce n'est pas moi !
- C'est ce que nous allons voir, répondit l'organiste furieux.
Et il commença à démonter son orgue.
- Oh ! oh ! dit-il, voilà une voix humaine qui sent bien mauvais de la bouche.
L'organiste n'eut pas besoin d'aller plus loin : le mystère d'iniquité était découvert. Hiraux, dans sa vengeance, avait déshonoré la voix humaine, la trompette et le hautbois, et il y a tout lieu de croire que, s'il ne s'était occupé que de ces trois tuyaux, c'est qu'il n'avait pu faire davantage.
Hiraux avait compté sur la fuite. Il était décidé à quitter le couvent après la messe ; seulement, il n'avait pas pensé que la lumière se ferait si vite. Or, la lumière était faite, et, comme il ne pouvait fuir, puisque la porte était fermée, il tomba à genoux et demanda grâce.
L'organiste savait dissimuler. Il fit semblant d'accorder la grâce qu'on lui demandait, mais à la condition, comme dans les baux, qu'Hiraux rendrait les choses dans l'état où il les avait prises.
Hiraux, trop heureux d'en être quitte à si bon compte, accepta le marché.
La messe finie, l'organiste sortit, promettant à Hiraux de ne rien dire au prieur de sa nouvelle fredaine. Hiraux comprenait que celle-ci dépassait toutes les autres et touchait au sacrilège ; de sorte que, resté seul, il accomplit de son mieux la besogne dont il s'était chargé, besogne que Fourier, dans sa distribution passionnelle, réserve aux enfants, qui, à son avis, devront s'en occuper passionnellement.
Qu'il l'eût faite passionnellement ou à contrecoeur, la besogne d'Hiraux était achevée, lorsque l'organiste – on eût dit qu'il guettait ce moment –, lorsque l'organiste entra, suivi du frère cuisinier et de ses marmitons.
Il était allé quérir ses alliés naturels, c'est-à-dire les ennemi-nés d'Hiraux.
Au début des hostilités – et les hostilités commencèrent dès que la porte de la tribune fut fermée –, Hiraux crut qu'il s'agissait d'être fouetté comme la première fois. Mais ce qui l'empêchait de s'arrêter à cette idée, c'est que les verges manquaient. Or, par pressentiment, l'absence de ces verges le préoccupait plus que n'eût fait leur présence.
En effet, il ne s'agissait plus de fouetter Hiraux, mais de le souffler.
L'opération s'accomplit à l'aide du soufflet de l'orgue.
Cette fois, Hiraux ne faillit point devenir aveugle, Hiraux faillit tout bonnement mourir. Mis en liberté aussitôt l'opération terminée, il avait fui aussi loin qu'il avait pu le couvent maudit, ayant plus l'air d'un ballon que d'une créature humaine ; puis il était tombé, ou plutôt il avait roulé au pied d'un arbre.
Il fut plus de quinze jours à désenfler complètement.
Ce fut à la suite de ce petit événement qu'Hiraux se fit garçon épicier.
Mais nul ne peut fuir sa destinée : Hiraux était musicien dans l'âme. Hiraux accrocha un vieux violon et, dans ses moments perdus, racla obstinément. L'épicière, jeune femme incomprise – il y a eu des femmes incomprises de tout temps –, l'épicière jouait de l'épinette. Hiraux et l'épicière faisaient, le soir, des concerts qui ravissaient l'épicier ; si bien que, exalté par ses triomphes intimes, Hiraux résolut d'abandonner l'épicerie pour se livrer entièrement à la musique instrumentale.
Ses dispositions étaient en effet réelles, et, presque sans maître, il parvint à une telle force sur l'épinette et sur le violon, que la ville de Villers-Cotterêts le nomma son organiste aux appointements de huit cents livres par an.
Hiraux s'en faisait à peu près autant en donnant des leçons de violon et de clavecin. Ensuite, tous les élèves ne payaient pas en argent. Hiraux recevait ses cachets en nature : le marchand de bois le payait en bois et en copeaux ; l'épicier, en sucre, en pruneaux et en confitures ; le tailleur, en redingotes, en gilets et en pantalons. Il en résultait qu'avec ses seize cents francs argent et les rentrées en nature, Hiraux avait non seulement de quoi vivre, mais encore jouissait d'une certaine aisance, qui lui permettait d'envoyer promener ceux de ses élèves qui le mécontentaient ou qui n'avaient pas de dispositions.
Ma mère proposa donc à Hiraux de se charger de mon éducation musicale ; ce qu'il accepta avec empressement, et ce que je vis de mon côté sans trop de répugnance. Hiraux était déjà, à cette époque, un homme de soixante ans, mais si gai, si jovial, si spirituel, si fécond en contes drolatiques, si plein d'une verve intarissable, que jeunes et vieux l'aimaient d'une égale amitié. Quant à moi, depuis que je me connaissais, je connaissais Hiraux. Il avait été le premier maître de musique de ma soeur avant qu'elle partit pour Paris, et, à toutes ses vacances, il était resté son répétiteur.
Dans les derniers temps de sa maladie, mon père, qui, ainsi que je l'ai dit, souffrait beaucoup, et qui se voyait mourir tout vivant, invitait souvent Hiraux à venir nous voir au château des Fossés ; et, comme il n'y avait qu'une lieue de Villers-Cotterêts aux Fossés, Hiraux venait à pied aux Fossés ; et s'en retournait à pied coucher à Villers-Cotterêts.
C'est-à-dire, entendons-nous : Hiraux, toujours poltron, avait commencé par coucher aux Fossés. Mais il était convenu que la persécution poursuivrait ce pauvre Hiraux toute sa vie. Les histoires de sa jeunesse étaient dans la mémoire de tout le monde, et je n'ai raconté que la vingtième partie peut- être de ces histoires, de sorte que chacun se croyait obligé d'ajouter un accident nouveau à cette vie déjà si accidentée. Or, à la maison, il y avait secrétaires et aides de camp, race non moins joyeuse et non moins inventive à l'endroit des farces que ne l'était, quarante ou quarante-cinq ans auparavant, la race monacale.
Il en résultait qu'Hiraux, trouvant invariablement, en rentrant, le soir, dans sa chambre, soit un pot à l'eau au-dessus de sa porte, soit une aiguille dans sont lit, soit un coq dans son armoire, avait décidé, une fois pour toutes, qu'il ne coucherait plus aux Fossés, mais reviendrait à Villers-Cotterêts, quelque heure qu'il fût, quelque temps qu'il fit.
En conséquence de cette résolution prise, et pour rassurer son esprit contre cette ambulation nocturne, Hiraux venait ordinairement à la maison armé d'une longue canne à épée, enfermée dans un fourreau de cuir.
Malgré cette canne, ou plutôt à cause de cette canne, deux jeunes gens qui avaient dîné un jour à la maison avec Hiraux inventèrent encore une nouvelle plaisanterie. Il fallait en vérité quelque imagination pour cela : le pauvre Hiraux avait, depuis l'an de grâce 1750, été victime de tant de plaisanteries différentes, qu'il se croyait lui-même, non pas à l'abri d'une plaisanterie, mais au moins à l'abri d'une plaisanterie nouvelle.
Ils enlevèrent la lame d'épée, qui, dans son fourreau, faisait la sécurité d'Hiraux, et, en place, ils emmanchèrent dans la poignée une longue plume de paon.
Le soir, Hiraux, toujours prudent, voulut se retirer de bonne heure ; mais les jeunes gens le retinrent en lui promettant de faire route avec lui. Cette promesse tranquillisa Hiraux, qui, certain de revenir accompagné, se laissa aller à toute sa gaieté, ce soir-là plus verbeuse encore que de coutume, arrosée qu'elle avait été par de copieuses libations de vin de Champagne.
A dix heures, cependant, il ramena la conversation sur la nécessité de regagner la ville ; mais, cette fois, les jeunes gens déclarèrent qu'ils se trouvaient trop bien pour quitter le château, et que, dès que le général avait la bonté de leur offrir des lits, ils acceptaient, en invitant Hiraux à en faire autant.
Mais Hiraux n'avait garde d'accepter. Il flairait la compagnie, et devinait tout un monde de farces ; Il déclara donc que son dessein de battre en retraite était immuable, et, prenant sa canne et son chapeau, il salua la société et partit.
Nos jeunes gens attendaient ce départ avec impatience. A peine la grande porte du château se fut-elle refermée sur le voyageur nocturne, qu'ils sortirent par la petite porte, et, le devançant à l'aide d'un chemin de traverse, allèrent s'embusquer au coin de la forêt.
Il faisait un clair de lune magnifique. Suivant l'habitude des gens qui ont peur, Hiraux chantait ; mais, pour faire foi de ses habitudes pacifiques, au lieu de chanter quelque joyeuse chanson ou quelque vaillant hymne de guerre, Hiraux chantait le chant grégorien.
Tout à coup, deux hommes masqués débouchent du bois, lui sautent au collet, et lui demandent la bourse ou la vie. On dit qu'il n'y a rien de plus dangereux qu'un poltron qui se fâche ; il paraît qu'Hiraux avait quelque chose dans sa bourse et tenait à sa vie ; car, pour toute réponse, il fit un pas en arrière et tira son épée.
Il y avait de quoi désarçonner Roland et les onze pairs de Charlemagne.
Hiraux trouva ce que ni les uns ni les autres de ces preux paladins n'eussent certainement pas trouvé.
- Vous voyez bien, mes amis, dit Hiraux en montrant la plume de paon à ceux qui l'attaquaient, vous voyez bien que je ne voulais pas vous faire de mal.
Il n'y avait pas moyen de tenir à une pareille bonhomie. Les éclats de rire succédèrent aux menaces, les masques tombèrent, et, après qu'on eut donné aux jambes d'Hiraux le temps de se remettre, tous trois revinrent amicalement à la ville, et Hiraux compta une aventure de plus sur ses tablettes.
Hiraux m'avait tant fait rire dans ma jeunesse, j'aimais tant Hiraux, que, ma sympathie pour le musicien l'emportant sur mon antipathie pour la musique, je me décidai à prendre des leçons de violons.
Mais j'exigeai que l'on m'achetât un violon à Paris, ceux qui étaient à vendre chez les marchands de bric-à-brac de Villers-Cotterêts ne satisfaisant pas suffisamment mon amour-propre. On en passa par où je voulais : c'était assez l'habitude de ma mère.
Il fut décidé qu'Hiraux, à son prochain voyage à Paris, achèterait un violon, et qu'aussitôt son retour, mon éducation musicale commencerait.
Mais quand aurait lieu ce voyage ?
C'était bien un peu sur une remise aux calendes grecques que j'avais compté.
Pas du tout : le hasard ou plutôt une nouvelle farce dont Hiraux fut victime en décida autrement.
A la suite d'un dîner qu'Hiraux avait fait avec quelques amis, et entre autres avec ses deux amis intimes, Mussart et Duez – nous consignons ici les noms pour les retrouver plus tard –, le voyage d'Hiraux à Paris fut décidé.
Seulement, il avait été décidé dans des conditions toutes drolatiques. On dînait chez un nommé Hutin, chez lequel s'arrêtaient les diligences qui vont de Laon à Paris. On avait grisé Hiraux. Hiraux ne savait plus ce qu'il faisait ni ce qu'on lui faisait. On déshabilla Hiraux, et, avec son caleçon et sa chemise seulement, on le fourra sous l'impériale de la diligence, au milieu des malles, des portemanteaux et des cartons.
Il va sans dire qu'on ne lui laissa pas un denier sur lui. Où eût été la farce, si Hiraux avait eu de l'argent ?
Hiraux se réveilla à Paris.
Le conducteur ignorait parfaitement la plaisanterie. Il fut donc aussi étonné de trouver Hiraux là, qu'Hiraux l'était de s'y trouver lui-même. Hiraux fut d'abord assez embarrassé de se trouver en caleçon et en chemise dans la cour des diligences ; mais, comme il était homme de ressources, il se souvint d'un neveu nommé Camusat, excellent et brave garçon qui a été et qui est encore mon ami. Il fit approcher un fiacre, s'y enferma, et cria par la portière :
- M. Camusat, à la Râpée !
Hiraux savait une chose que je ne sais pas, ce qui fait qu'à sa place j'eusse été fort embarrassé ; il savait l'adresse de Camusat, de sorte qu'il descendit droit chez lui.
Camusat était long et mince comme son oncle ; il lui donna redingote, gilet et pantalon.
Puis, en outre, il lui prêta vingt francs pour m'acheter un violon, et quinze francs pour revenir.
Avec ces quinze francs, Hiraux m'apporta un violon un peu raccommodé au manche, mais assez sain dans tous ses organes essentiels.
Des aventures d'Hiraux, je ferais tout un livre, et, si je voulais, un livre bien autrement amusant que beaucoup de livres que je connais.
Mais je me bornerai à la dernière et à la plus triste de ces aventures. C'est qu'au bout de trois ans de leçons chez Hiraux, je ne savais pas mettre mon violon d'accord !
En reconnaissant chez moi pour la musique cette phénoménale antipathie, Hiraux déclara à ma pauvre mère désolée que ce serait lui voler son argent que de tenter plus longtemps de faire de moi un musicien.
Je renonçai donc au violon.
Pauvre Hiraux ! après cette vie si agitée, il dort aujourd'hui du paisible sommeil de la mort dans ce charmant cimetière de Villers-Cotterêts, plein d'arbres verts, de saules pleureurs et de fleurs épanouies !

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